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La mobilisation

La mobilisation est un élément essentiel du développement collectif puisqu’elle permet de rassembler les acteurs et les organisations autour d’un nous collectif et favorise le passage à l’action.

Dans cette section, vous trouverez des informations pertinentes sur la façon de comprendre, aborder et favoriser la mobilisation, particulièrement au niveau local, palier pour lequel la mobilisation semble un enjeu de première importance. Cependant, les démarches collectives de tous les genres pourront trouver ici des informations pertinentes.

L’équation de la mobilisation

Le mot « mobilisation » fait référence au passage à l’action pour changer une situation, effectué collectivement (action collective) par un regroupement d’acteurs (acteur collectif). Changer une situation, c’est répondre à des besoins, résoudre des difficultés, améliorer les conditions de vie, modifier des fonctionnements, etc. La mobilisation peut s’illustrer sommairement ainsi :

Illustration du concept de mobilisation

Le terme mobilisation provient du mot « mobile », que l’on peut comprendre de deux façons :
  1. Qui bouge, qui est dynamique (non linéaire, non mécanique, organique);
  2. Une raison de bouger, un motif. La mobilisation fait ainsi référence à la notion de mouvement dans la perspective d’un agir-ensemble intentionnel.

Dans cette perspective, susciter la mobilisation revient à chercher à mettre en mouvement dynamique des acteurs dans la visée d’un changement.

On parle d’équation, parce que la mobilisation est composée de l’addition de deux composantes, qui mènent vers un changement :

  • La création d’une identité partagée – le passage du «je» au «nous».
  • L’élaboration de la vision et des actions à mettre en œuvre pour parvenir aux changements espérés – le projet commun.

Source

RACINE, Sonia, (2010), La mobilisation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à travers des organismes communautaires québécois, thèse de doctorat, Université de Montréal, École de service social, Montréal

Mobilisation ou engagement?

Dans les sections qui suivent, nous parlons parfois d’engagement, parfois de mobilisation. La raison en est bien simple : ces deux concepts sont fortement imbriqués.

Du point de vue de l’acteur (individu ou organisation), le mouvement dynamique de la mobilisation pourrait être compris comme une succession de cercles concentriques dont l’engagement est le coeur. Ainsi, si on évoque souvent la mobilisation comme le passage du JE au NOUS, on pourrait aussi évoquer le processus vécu par les acteurs comme celui de la PARTICIPATION à l’ENGAGEMENT. L’engagement peut être sommairement compris comme un sentiment d’appartenance à l’identité commune, une mise en action au service du projet commun et de l’intérêt partagé et la prise de responsabilité face aux résultats de cette mise en action collective

Le concept de « mobilisation des communautés locales », que nous utilisons souvent ici, renvoie à un processus global par lequel les forces vives d’une communauté locale se regroupent pour agir ensemble à la réalisation d’une vision élaborée de concert. La mobilisation des communautés locales correspond, en fait, aux actions qui suscitent l’engagement et qui regroupent des individus et des organismes locaux concernés par une situation qu’ils souhaitent transformer.

Or, que ce soit sur le plan des comportements individuels, des programmes institutionnels ou des structures sociétales, les changements à l’intérieur d’une communauté locale sont généralement complexes, s’échelonnant sur plusieurs étapes successives et impliquant la participation d’une diversité d’acteurs. Les changements prendront invariablement beaucoup de temps et c’est pour cette raison que la notion d’engagement, et non seulement de participation, fait partie intégrante de la façon dont la mobilisation des communautés locales est ici conçue.

Pour se sentir appartenir à une mobilisation, on ne doit pas nécessairement faire officiellement partie de l’instance locale de mobilisation (véhicule) mis en place pour la soutenir. Ce serait plutôt l’engagement pour le projet commun qui déterminerait l’appartenance au NOUS. Cet engagement prend différents visages.

Source

RACINE, Sonia, (2010), La mobilisation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à travers des organismes communautaires québécois, thèse de doctorat, Université de Montréal, École de service social, Montréal

Construire le NOUS : l’acteur collectif

Dans l’équation de la mobilisation, le NOUS est la première composante essentielle.

Le NOUS se crée et se perpétue par un processus de construction identitaire (les identités individuelles ou organisationnelles se joignant dans une identité commune, négociée et partagée) à travers l’ajustement des cadres des acteurs (valeurs, principes, façons de percevoir la réalité, etc.). De plusieurs identités plus ou moins convergentes au départ se crée ainsi une toute nouvelle identité collective qui est partagée par les acteurs.

L’acteur collectif peut être composé d’individus, mais il peut également être composé d’organisations qui sont parfois elles-mêmes des acteurs collectifs. Cela augmente sensiblement le niveau de complexité du processus puisque non seulement les valeurs, principes, opinions, analyses, intérêts, etc. des individus devront être pris en considération, mais aussi ceux des organisations.

Que ce soit dans l’élaboration d’un état de situation ou dans la détermination d’une vision partagée de changement par exemple, on se demandera comment peut se réaliser cette étape de façon à favoriser au maximum la participation et l’engagement du plus grand nombre possible d’acteurs concernés (en prenant bien sûr en considération les inévitables contraintes de ressources et de temps). Plus les acteurs seront engagés dans la réalisation des étapes du processus de développement collectif planifié, plus ils se les approprieront, plus ils s’en sentiront responsables et mettront leurs énergies en commun pour en assurer le succès.

L’acteur collectif ne se développera pas comme par magie parce qu’on réunit des individus et des organisations autour d’une table! Il est donc important qu’on se préoccupe autant de susciter la participation et l’engagement de tous que d’entretenir cette participation et cet engagement au quotidien.

Source

RACINE, Sonia, (2010), La mobilisation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à travers des organismes communautaires québécois, thèse de doctorat, Université de Montréal, École de service social, Montréal

Construire le PROJET COMMUN: l’action collective

Dans notre équation de la mobilisation, le PROJET COMMUN est la deuxième composante essentielle de la mobilisation. Il se définit comme le passage à l’action par l’élaboration d’une stratégie ou d’un plan.

Le projet commun se construit simultanément à travers trois processus de cadrage1:

  1. Le cadrage diagnostique concerne le développement d’une compréhension commune à l’égard de la situation.
  2. Le cadrage pronostique permet de développer une vision partagée du changement (direction).
  3. Le cadrage motivationnel amène à se doter d’une intention commune (raison d’agir ensemble).

C’est à travers le processus de développement collectif planifié (état de situation, diagnostic, vision partagée de changement, etc.) que se constitueront ces cadrages et que la mobilisation pourra se développer. En effet, chacune des étapes de ce processus offre des opportunités concrètes de construire la mobilisation. Par le franchissement de chacune des étapes, on travaillera en effet à concevoir le projet commun, à le mettre en œuvre et à l’évaluer, et c’est aussi à travers ces étapes que se développera le NOUS (sentiment d’appartenance et engagement des acteurs dans une identité commune et partagée qui dépasse l’addition des identités individuelles).

 

Plusieurs activités d’animation peuvent contribuer à développer ce projet commun. Pour en connaître quelques-unes, nous vous invitons à consulter Communagir pour emporter.

 

Source

1. HUNT, Scott A., BENFORD, Robert D.et David A. SNOW, (1994), « Identity Fields : Framing Processes and the Social Construction of Movement Identities », New Social Movements: from Ideology to Identity,  Enrique Laraña, Hank Johnston et Joseph R. Gusfield, Philadelphie, Temple University Press, pages185-208.

 

Les facteurs qui influencent la mobilisation

Trois niveaux d’influence

Que ce soit du point de vue des acteurs individuels ou organisationnels, le processus de mobilisation est influencé (positivement ou négativement) à trois niveaux : sur le plan micro (l’acteur individuel ou organisationnel lui-même); méso (le contexte immédiat dans lequel le processus se déploie); macro (le contexte global dans lequel l’acteur évolue et qui suscite plus ou moins le désir d’engagement).

Conditions favorables à l’engagement des acteurs

Les acteurs souhaitant susciter et soutenir au mieux le processus de mobilisation ont tout avantage à mettre en place les conditions les plus favorables possible à travers le processus de développement collectif planifié (sur le plan méso), spécialement dans le fonctionnement du véhicule de soutien à la mobilisation (table, regroupement, comité, etc.).

Source

RACINE, Sonia, (2010), La mobilisation des personnes en situation de pauvreté et d’exclusion à travers des organismes communautaires québécois, thèse de doctorat, Université de Montréal, École de service social, Montréal, page 84-95.

Les 6R de la participation pour favoriser l’engagement

L’engagement est une composante essentielle de la mobilisation (voir la section sur le sujet). Susciter et maintenir l’engagement peut être un défi, mais voici six «R» (une approche proposée par le RQVVS) qui peuvent y contribuer. Lorsqu’entretenues, les six dimensions que sont la Reconnaissance, le Respect, les Rôles, les Relations, les Récompenses et les Résultats permettent de nourrir le processus de mobilisation et de le garder vivant.

Saviez-vous que l’engagement semble une condition tellement essentielle à tout processus de développement collectif que le chantier sur les conditions favorables en a fait son objet d’étude? Pour aller jeter un coup d’œil sur leurs travaux, c’est par ici!

 

Source

Villes et Villages en santé, (1998), Concertation locale : Les clefs du succès, 187 pages.

Pertinence et limites de la stratégie de mobilisation locale

Lorsque l’on parle de mettre en place des changements pour les individus, les familles, les entreprises ou les multiples organisations d’une communauté, nous pensons qu’une démarche de changement s’appuyant sur la mobilisation, notamment au palier local, a des chances d’être plus efficace et que les changements produits soient plus durables.

En effet, les changements imposés de l’extérieur ou ceux qui ne sont ni souhaités ni adaptés par les personnes touchées le plus directement ou par les communautés soulèvent notamment des résistances et des remises en question sur le plan de leur légitimité. Non seulement l’accord, mais aussi l’appropriation des changements souhaités, constituent des dimensions importantes.

Nos expériences de soutien au développement collectif montrent en effet que :

  • les acteurs engagés dans un milieu développent un plus grand sentiment d’appartenance à leur communauté;
  • leur concertation produit une action plus cohérente;
  • la contribution de chacun des acteurs à l’analyse de la situation permet de mieux cibler les problèmes à résoudre et les façons d’y arriver;
  • l’engagement des acteurs améliore les chances de pérennité des solutions;
  • la mise à contribution des forces et des compétences présentes dans la communauté permet au milieu de croire en sa propre capacité de se développer et d’affronter ce que l’avenir pourra lui offrir.

Cependant, il faut être conscient que :

  • les leviers de développement peuvent se situer sur différents paliers (local, supra-local, régional) ce qui nécessite parfois un travail harmonisé entre eux. En focalisant uniquement sur la communauté locale, on risque de :
    • perdre la vue d’ensemble des situations (régionale, nationale ou internationale);
    • perdre de vue les causes structurelles des problématiques et l’action sur celles-ci.
  • il existe un risque de découragement et de démobilisation des acteurs en raison du temps et des énergies à y consacrer;
  • les acteurs peuvent également développer un sentiment d’impuissance (contraire de l’empowerment) devant l’ampleur des situations à résoudre.

On peut donc raisonnablement penser qu’il est préférable de combiner la mobilisation locale à d’autres stratégies de changement et de s’assurer que le palier local maintienne et renforce sa relation avec son environnement (immédiat ou plus lointain) dans un principe d’interinfluence.

Perspective sociohistorique sur la mobilisation des communautés

La mobilisation des communautés locales (MCL) ne constitue pas une stratégie nouvelle en soi : l’idée que l’ensemble des acteurs concernés par un changement dans une communauté donnée puissent agir ensemble pour produire des changements, au-delà des frontières de leurs « mandats » respectifs, ne date pas d’hier.

À titre d’exemple, on retrouvait déjà les grands jalons de cette stratégie dans le domaine socioéconomique dès 1963 à travers les expériences du Bureau d’aménagement de l’Est du Québec (BAEQ), initiatives locales coordonnées par l’État qui visaient la planification du développement de communautés rurales en déclin. 

Même si le BAEQ n’a pas produit les résultats escomptés, il est intéressant de noter que les fortes résistances citoyennes qui sont apparues en réaction à la démarche (notamment les Opérations Dignités) ont elles-mêmes constitué des exemples marquants de prise en charge par la population de son propre développement. On pense également aux expériences d’animation sociale en milieu urbain qui visaient la planification de l’aménagement urbain avec les citoyens et citoyennes d’un quartier. L’idée de travailler à planifier et à mettre en œuvre le changement sur un territoire donné (une communauté) avec les acteurs concernés par ce changement, notamment les citoyennes et citoyens, constitue ainsi une stratégie qui existe depuis bon nombre d’années au Québec et ailleurs.

Hormis des expériences continues de développement local (surtout axées sur le développement économique), qui ont eu cours du milieu des années 1960 à aujourd’hui, on peut situer l’essor de la stratégie de mobilisation des communautés locales à partir des années 2000. Alors que les concertations sectorielles se multipliaient au Québec dans les années 1980, que les concertations multisectorielles faisaient de même dans les années 1990, combinées à l’émergence de partenariats plus formels entre l’État et les organismes communautaires en santé et services sociaux, la stratégie de mobilisation des communautés locales semble avoir été l’objet d’un véritable engouement au cours de la précédente décennie.

Présente dans de nombreux domaines d’intervention (santé et services sociaux, éducation, sécurité urbaine, emploi, etc.), il s’agit désormais d’une stratégie prisée tant par les pouvoirs publics que par divers acteurs du monde philanthropique et communautaire à travers une multitude d’approches.

Cette stratégie s’étend à travers le Québec, tant dans les communautés urbaines que rurales, si bien que l’on peut désormais parler d’une vague, d’une période d’effervescence, voire même d’un engouement quasi généralisé.

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